Chapître III - Le Chant des deux Arbres

On dit parmi les sages que la première des guerres naquit avant même que s’achève la création de l’Univers, et que, longtemps, Melkor eut le dessus. Mais au milieu de cette guerre, Tulkas, un esprit intrépide et puissant vint à l’aide des Valars. Melkor s’enfuit devant sa fureur joyeuse et abandonna l’Univers, et la paix régna pendant longtemps,et Melkor attendit dans les Ténèbres extérieures. Sa haine pour Tulkas ne se démenti jamais.
Il arriva, alors que les Valars se reposaient de leurs travaux et contemplaient la croissance et le développement de ce qu’ils avaient imaginé puis créé, Manwë décida une grande fête où les Valars et leurs hôtes vinrent à son appel.
Melkor savait tout ce qui était fait, ayant en secret des amis et des espions parmi les Maiars qu’il avait convertis à sa cause. Au loin dans les Ténèbres, il était plein de haine, jaloux des oeuvres de ses pairs qu’il eût voulu assujettir. Croyant son heure venue, il s’approcha du Royaume de ses frères, qu’il contempla de ses yeux et la vue de cette région en son printemps l’emplit d’une haine nouvelle.
La lumière de l’astre d’Illouinn empêcha les Valars de voir l’ombre de Melkor au nord, lui qui était devenu pareil aux Ténèbres du Vide. Et Melkor crut le moment venu. Il franchit les Murs de la Nuit avec sa troupe et arriva tout au nord des planètes des Terres du Milieu sans que les Valars le sachent.
Là, il entreprit de bâtir des forteresse sur les planètes , dans la région de l’ombre, où les rayons d’Illouinn étaient faibles et glacés. Cet endroit, fut appelé Utumno. Et bien que les Valars n’en sussent rien encore. Les systèmes solaires, malades, pourrissaient. Les espaces se remplissaient d’ombre et de crainte. Les planètes devinrent obscures et dangereuses, hantées par la peur. Les gens se changèrent en monstres qui ensanglantaient les système solaires. Alors, les Valars comprirent que Melkor était à l’oeuvre de nouveau, ils cherchèrent sa retraite. Lui même, assuré de sa force, se jeta soudain dans la bataille pour porter le premier coup avant que les Valars ne fussent prêts. Il attaqua Illouinn et Ormal, abattit les colonnes célestes et brisa les lampes galactiques. La chute des immenses piliers fit que l’Univers s’ouvrit et se brisa, que les systèmes solaires se déplacèrent en furie, et les lampes elles mêmes répandirent dans l’Univers des flammes dévorantes. A ce moment, le visage même de l’Univers fut détruit, l’équilibre entre les terres et les espaces fut rompu, et jamais Pegasus ne retrouva la forme que lui avaient donnée les Valars.
Melkor s’échappa, et grâce à la confusion et à l’obscurité, il atteignit Utumno avant que Tulkas ne l’eût rejoint et y resta caché. Les Valars étaient impuissants à le vaincre, devant consacrer tous leurs efforts à contenir le désordre de l’Univers et à sauver de la ruine ce qui restait de leur travail.
Ainsi prit fin le Printemps de Pegasus. La demeure des Valars fut entièrement détruite et ils n’en avaient pas d’autres dans les espaces de l’univers.
Ils quittèrent donc les planètes du milieu, et se rendirent dans l’ouest, dans les territoires de l’Extrême Ouest situé au bord de l’Univers.
Quand leur nouvelle région fut achevée et que les planètes des Valars furent déterminées, ils édifièrent au milieu de la région, derrière leur voile de sommeil, leur empire caché. Tous les Valars étaient rassemblés assis sans mot dire sur leurs trônes, près des portes d’or de la cité. Yavanna Kementari chantait devant eux et ils la regardaient.
A ce moment deux pousses fragiles apparurent sur la planète et un silence s’abattit sur l’Univers, nul autre bruit que le chant de Yavanna
Et, grâce à ce chant, les pousses grandirent, plus hautes et plus belles, et vinrent à s’épanouir. Ainsi naquirent au monde les deux Arbres de Valinor,
De toutes les oeuvres de Yavanna, les plus célèbres et celles dont le sort est indissociable de tous les récits des Jours Anciens, l’un s’appelait Telperion dans le langage de Valinor, et Silpion, et Ninquelote, et d’autres noms, le second s’appelait Laurelin, et Malinalda, et Culurien, et fut chanté sous beaucoup d’autres noms.
Et Melkor restait dans l’ombre, parcourant souvent l’Univers, sous des formes terribles et puissantes, maniant le feu et la glace depuis l’est noir, jusqu’aux fournaises des profondeurs de l’Univers.
Mais dans les ténèbres où se tenait Melkor, les ombres étaient impénétrables.
Ilùvatar savait que les Humains, jetés entre les puissances qui agitaient l’Univers, s’égareraient souvent et n’useraient pas toujours harmonieusement de leurs dons, et il dit :
« Ceux là aussi découvriront en leur temps que tout ce qu’ils font ne contribue en fin de compte qu’à la gloire de mon oeuvre. »
Melkor a jeté là aussi son ombre, pour confondre la mort avec les ténèbres. Du bien il a fait naître le mal, de l’espoir la peur et les ténèbres.